Pernette du Guillet (1520?-1545)


Le mystère de Pernette du Guillet

 

Permette du Guillet est un personnage très mystérieux. Le patronyme "du Guillet" ne figure dans aucun document d'archive lyonnais du XVIe siècle. On ne possède d'elle aucun portrait. Tout ce que l'on sait provient de la préface rédigée par Antoine du Moulin pour l'édition de ses Rymes, publiées quelques semaines après sa mort survenue le 17 juillet 1545, des suites d'une maladie. Elle avait environ 25 ans. Selon Antoine du Moulin, c'est son mari qui aurait apporté à Jean de Tournes, pour les faire publier,  des brouillons sans ordre laissés par sa femme.

 

La préface d'Antoine du Moulin est un éloge des merveilleux et précoces talents de Pernette, tant en musique qu'en poésie. C'est aussi un appel lancé aux "Dames lyonnaises" pour qu'elles poursuivent dans la voie de l'écriture que Pernette avait si magnifiquement tracée.

 

Les Rymes de Pernette du Guillet se concluent par cinq poèmes épitaphes. Le premier est signé M. SC. ce qui ne laisse aucun doute sur son auteur. Les deux poèmes suivants sont probablement aussi de la plume de Maurice Scève. Les deux dernières épitaphes sont généralement attribuées à  Jean de Vauzelles.


Ce poème de Pernette du Guillet,

ingénieux et impertinent,

serait-il la réponse à un dizain

que Scève lui aurait envoyé

en le signant de la lettre R ?

 

     R, au dizain toute seule soumise
M'a, à bon droit, en grand doutance mise
De mal, ou bien, que par R on peut prendre.
Car, pour errer, R se peut comprendre,
Signifiant que le los qu’on me prête,
Soit une erreur, ou que R est rien, ou reste ;
Mais si par R on veut réponse avoir,
Je dis, combien que n’aie le savoir,
Ne les vertus que ton R m’avoue,
Qu'errer je fais tout homme qui me loue.

 

los = louange, éloge. Ici le sens est plutôt celui de mérite, réputation.

Ne = Ni



Un dialogue poétique

 

Délie comme les Rymes attestent, pour le moins, d'un dialogue poétique entre Maurice Scève et Pernette du Guillet. Admiration et attachement réciproques. Tension entre désir d'amour charnel d'un côté et affirmation d'une amitié sincère  de l'autre. Dure souffrance chez l'un et tonalité légère, parfois narquoise, chez l'autre. Long travail et répétition inlassable d'une même forme poétique chez Maurice Scève, variété des genres et apparente simplicité de la composition chez Pernette du Guillet.

 

D'une œuvre à l'autre, plusieurs poèmes se font écho, et quelques scènes attendrissantes ou douloureuses décrites dans Délie ont les accents de véritables souvenirs amoureux. Maurice Scève n'a jamais dévoilé qui se cachait derrière l'image de Délie. En revanche, dans un de ses poèmes, Pernette donne la clé de l'identité de celui qu'elle appelle "mon Jour" en utilisant deux anagrammes, une fois sous la forme Maurice Sève sans C (= VICE A SE MUER), une fois sous la forme Maurice Scève (= CE VICE MUERAS).

 

Le thème du jour et de la nuit, intimement liés mais  inconciliables, apparaît de manière récurrente sous la plume des deux poètes. Ensemble, ils donnent un chant d'amour à deux voix, qui se répondent plus qu'elles ne s'accordent, et dont il est peu d'exemples dans la poésie française.


Lien vers l'exemplaire des Rymes de Pernette du Guillet

de la Bibliothèque municipale de Lyon